Sans nier l'apprentissage discursif de l'enfant qui
passe par la linéarité du livre ou du cinéma,
l'élaboration d'un jeu-vidéo convoque un autre mode de pensée
qui s'apparente aux poupées russes.
Nous sommes dans des créations à plusieurs entrées simultanées
et interactives.
Le motif central, le mot clé de ces constructions algorithmiques est
l'arborescence.
L'ordinateur est bête et méchant.
Il faut tout lui dire.
Il s'agit de savoir lire et écrire un programme.
Le code c'est une grammaire, une langue, avec ses sujets, verbes,
compléments, qui apprend à
jongler avec des notions de variable,de conditionnel,de boucle...
Il y a une logique «jubilatoire» à appréhender le code.
On écrit et puis on teste. Le résultat est immédiat.
En ce sens ces outils ont pour moi un fort potentiel pédagogique.
Ils donnent du sens aux apprentissages par le mise en action
des individus.
Ces derniers sont appelés à faire appel à des connaissances appartenant
à différentes disciplines artistiques et techniques selon leurs affinités.
Cette relation est valorisante pour l'enfant ou l'adolescent
dans la mesure où c'est lui qui apprend à la machine à exécuter des tâches,
où il se met en situation d'enseignant.
Ce que proposent ces workshops au travers de l'apprentissage du code,
de la manipulation de l'image et du son, c'est de rendre
les citoyens conscients et créateurs plutôt que d'en faire de simples
consommateurs.
Là où certains pensent faire acte de création sur les réseaux
sociaux ,ils ne font en fait
que répondre à un algorithme et n'agissent qu'en terme d'usager,
le plus souvent commercial.
La génération née avec l'informatique
Il est vrai que les enfants n'ont pas d'appréhension, d'à priori vis à
vis des outils numériques.
ils n'hésitent pas à expérimenter.
Cependant, et comme on l'entend trop souvent, il ne faut pas croire que
nous avons à faire à une génération spontanée de futurs petits génies de
l'informatique.
« Mon enfant a trois ans, il naviguait sur une tablette avant d'avoir
ouvert un livre, il est plus compétent que nous les adultes.»
Cette réflexion est entendue largement dans les médias ou ailleurs.
Pour ces initiations au code, à l'animation 2d, au traitement sonore
de nombreuses questions et malentendus affleurent.
Je peux d'abord hélas constater que pour la plupart des publics,
l'art numérique n'existe pas.
Cet art s'il existe, paraît suspect.
Il est considéré comme un art «propre», un art désincarné manquant
d'authenticité.
Pour moi au contraire la machine me permet
par le traitement rapide des sources,
de m'impliquer véritablement dans la découverte des spécificités des
médias que j'utilise.
J'adore par exemple traiter les voix humaines, les filtrer, les altérer,
les détourner, et ainsi révéler leur nature propre par le biais de la
manipulation au sens premier du terme, de l'expérimentation.
Les disciplines artistiques, quelque soit leur champ d'investigation et
de recherche, de même que leur prolongement informatique,nécessitent selon moi un
apprentissage technique et théorique.
La création de jeux sur écran est un marqueur de par les
compétences qu'il exige aux confins de l'art et de la technique.
cf:Pierre Francastel «art et technique» 1956.
30 ans de nouvelles technologies, déjà!
On a pu voir véritablement émerger depuis 20 ans une privatisation des
moyens de production audiovisuelle et multimédia.
C'est l'aspect excitant de notre époque.
Chacun peut s'il le désire, produire son propre contenu images et sons
avec ou sans interaction.
On a pu observer des cas de figure récents où l'individu suppléait
même au puissant média traditionnel qu'est la télévision.
"Le détecteur de rien" Thymio2-Aseba
"Fais le toi-même!"
C'est sympa d'être radicalement autonome, même si cela épouse le motif individualiste
néo libéral de l'auto-entrepreneur.
© Arnaud Pérennès Novembre 2014